This is a translation of our January 6 post, “Broken windows fascism,” courtesy of the French antifascist website La Horde.
1. Lorsque Donald Trump s’est présenté pour la première fois à la présidence en 2015-2016, de nombreux membres de l’alt-right l’ont soutenu, non pas parce qu’ils pensaient qu’il pourrait gagner, mais parce qu’ils espéraient qu’il aiderait à détruire le Parti républicain. Si ce n’est pas ce qui s’est passé, Trump a quand même créé une grave crise au sein du parti, désormais profondément divisé entre d’une part ceux qui acceptent la légitimité du système électoral actuel, et d’autre par ceux qui le rejettent. Un Parti républicain en morceaux peut sembler une bonne nouvelle, mais il est susceptible de profiter avant tout à l’extrême droite. L’attaque d’aujourd’hui contre les bâtiments du Congrès est le fait de l’aile militante d’un mouvement beaucoup plus vaste, et bien qu’elle exclue ou effraie certains sympathisant·e·s, elle galvanisera et enhardira d’autres.
2. De façon plus générale, le refus appuyé de Trump de reconnaitre les résultats des élections de novembre a provoqué un changement politique massif au sein de la droite américaine, car des millions de personnes sont passées – au moins temporairement – de la loyauté envers le système à une opposition au système, comme le symbolisent les Proud Boys piétinant le Thin Bue Line Flag. Nous devrions nous attendre à ce que cette opposition de droite reste active et violente longtemps après la disparition de la lutte actuelle pour la présidence, comme l’a fait valoir Natasha Lennard hier. Et comme le montre Robert Evans, cette opposition de droite est un lieu de rencontre où différents courants et idéologies d’extrême droite – comme le néonazisme et QAnon – convergent et interagissent. Il reste à voir à quel point l’opposition de droite sera unifiée ou organisée, quel type de stratégies et de tactiques elle utilisera, et si Trump lui-même continuera ou non à y jouer un rôle important.
3. L’attaque contre le Capitole est, comme beaucoup l’ont décrit, une tentative de coup d’État. Elle met en scène l’autoritarisme, la démagogie de Donald Trump et sa répudiation du système électoral qui l’ont placé à la Maison Blanche, mais il met également en évidence l’une des principales limites qui ont distingué l’administration Trump du fascisme. Le fascisme a besoin d’une organisation de masse indépendante pour mener à bien son offensive contre l’ordre politique établi. Or Trump n’a jamais essayé de construire une telle organisation ; il a habilement utilisé les réseaux sociaux et les rassemblements pour mobiliser ses partisans, mais sur le plan organisationnel, il s’est appuyé sur les institutions existantes, en particulier le Parti républicain, ce qui explique pourquoi son administration était une coalition entre America Firsters et des conservateurs conventionnels d’horizons divers. Désormais, cette coalition est en train de s’effondrer, et le contrôle de Trump sur l’appareil de sécurité fédéral s’est également avéré assez limité. Il a pu mobiliser les agents de la sécurité intérieure et la police fédérale pour réprimer les manifestants de Black Lives Matter l’été dernier, mais il n’a déployé aucun agent fédéral pour l’aider à annuler les résultats de l’élection de 2020. La foule de partisans de Trump d’aujourd’hui n’avait aucune chance de prendre le pouvoir, mais ils ont complètement paralysé le Congrès pendant des heures. Mieux organisé et mieux dirigé, le mouvement qu’ils représentent pourrait rapidement se transformer en quelque chose de beaucoup plus dangereux.
4. Une question se pose pour les mois et les années à venir : dans quelle mesure l’appareil répressif d’État sera-t-il utilisé pour réprimer cette opposition de droite ? Certes, les flics ne sont pas susceptibles de poursuivre les partisans du MAGA (Make America Great Again) et les Proud Boys comme ils le font avec Black Lives Matter et les antifascistes, mais il y a une longue histoire des forces de sécurité fédérales ciblant l’extrême droite, en particulier par le biais d’opérations secrètes. Joe Biden aime parler d’unité, mais il n’est pas difficile d’imaginer que son administration relance et étende les capacités du FBI et de la sécurité intérieure pour traquer les suprématistes blancs et d’autres groupes d’extrême droite. Il n’est pas difficile non plus d’imaginer que certains conservateurs conventionnels soutiennent activement cet effort. Rappelons-nous que l’effort le plus sérieux et le plus systématique du gouvernement fédéral pour réprimer l’opposition de droite au cours des 40 dernières années – de The Order au réseau Lyndon LaRouche – a eu lieu sous Ronald Reagan. Et rappelons-nous aussi que dans les mains de l’État capitaliste, l’antifascisme peut être une puissante raison de construire l’appareil répressif – qui finit par s’utiliser principalement contre les groupes opprimés et exploités. Même lorsque les flics et les membres du Klan ne marchent pas main dans la main, ni les uns ni les autres ne sont nos amis.
5. Au lieu de se tourner vers l’État pour lutter contre l’extrême droite, il est urgent d’agir à grande échelle sur deux fronts : combattre à la fois les forces ouvertement suprématistes de l’opposition de droite et les mécanismes moins flagrants mais toujours mortels des privilèges et des pouvoirs établis. Les quatre dernières années ont été cauchemardesques à bien des égards, mais elles ont également été une période d’activisme libérateur et dynamique à grande échelle. Il existe de nombreux exemples efficaces d’organisation militante et créative dont nous pouvons nous inspirer et tirer des leçons.
Photo: Tyler Merbler, 6 January 2021, CC BY 2.0, via Flickr.